loader image

Samantha et Antoine

05 octobre 2019

3 commentaires

Vivre en van

Une langue de sable blanc s’étend le long des immeubles surmontés de néons fluorescents. À l’aube, on peut y apercevoir une silhouette en mouvement parmi bien d’autres : Antoine court. Il n’a pas pu faire de sport ces derniers temps, et cela lui avait manqué. Nous avons tous des besoins bien spécifiques pour nous sentir en harmonie avec nous-même. Pour lui, sans aucun doute, l’effort physique fait partie des points cardinaux de son existence. Il court, j’écris. Chacun fait son marathon. Il revient dans le studio que nous louons à Los Angeles, épuisé mais rayonnant. C’est déjà l’heure de rassembler nos bagages pour poursuivre notre voyage. Sur un parking, nous découvrons notre nouvelle maison itinérante pour les trois prochaines semaines : un van ! Cette étape, nous l’attendons avec d’autant plus d’impatience que nous nous sentons éreintés par le rythme effréné des mégapoles américaines que nous avons exploré ces derniers temps. Quoi de mieux que de découvrir la côte Ouest de façon totalement nomade ? Nous poussons l’autonomie et la liberté à son paroxysme.

Vie nomade

Le van était pour nous la solution parfaite : les camping-car ne nous ont jamais attirés. Nous n’attendons pas d’avoir avec nous tout le confort du quotidien, mais simplement l’essentiel. C’est le cas, puisque ce véhicule a des dimensions raisonnables mais permet tout de même de pouvoir y dormir et de cuisiner. La banquette est amovible pour se transformer en lit, et tout à l’arrière se trouvent un réchaud à gaz, un frigo miniature et des compartiments pour stocker de la vaisselle et la nourriture. Un panneau solaire est placé sur le toit, ce qui permet de générer de l’électricité pour les quelques éléments en nécessitant. Compte tenu de notre itinéraire, nous ne devrions pas manquer de soleil ! C’est avec une grande excitation que nous récupérons les clefs, signons les documents pour la location, puis chargeons nos deux gros sacs à dos dans notre petite maison roulante. Antoine prend ses marques au volant, quelque peu anxieux de conduire pour la première fois un véhicule aussi imposant. La sortie de Los Angeles restera mémorable : les limites de vitesse ne semblent pas une réglementation très appliquée par ici. Des routes aériennes sur lesquelles filent des voitures s’entrelacent, défiant les lois de la gravité. Dans notre van jaune rutilant, nous tentons tant bien que mal de sortir de cette ville dont les ramifications semblent infinies.

Dans le désert

Enfin, les maisons et les immeubles laissent place à un paysage aride, à la terre d’un jaune pâle nous signifiant que ça y est, nous entrons dans le désert. Peu à peu, la circulation se fluidifie, et nous respirons davantage. L’occasion de faire quelques courses dans un grand supermarché : il nous faut des vivres pour trois semaines. Notre première étape n’est autre que le parc naturel Mojave, promesse de calme et de repli. À mesure que nous avançons, la route devient une simple ligne grise au milieu d’imposantes falaises à perte de vue. Nous prenons conscience de la diversité et du gigantisme des panoramas des Etats-Unis. Les échelles n’ont rien à voir avec l’Europe : cinq heures est ici une courte distance à parcourir ! Notre van nous abritera pour la nuit, mais encore faut-il trouver un endroit où dormir en toute légalité. Ici, le camping sauvage est autorisé dans les parcs nationaux, mais nous préférons trouver des sites dédiés, en premier lieu pour des raisons de sécurité – la faune en Arizona n’est pas à négliger – mais aussi pour avoir un point où nous laver. Antoine a découvert Hipcamp, un site qui permet de trouver des terrains de camping chez des particuliers. Nous avons réservé une première nuit dans un hameau dans le désert. Malheureusement pour nous, le soleil décline rapidement, et nous qui voulions arriver de jour, notre vœu ne sera pas exaucé. Le traumatisme des errances pour trouver la Seigneurie du triton se fait ressentir : nous avons un plan, des indications, mais aucun réseau. Notre van s’aventure sur une route non revêtue qui nous bouscule. Un vent puissant souffle ce soir, jetant des bourrasques de sable sur notre pare-brise. La nuit noire rend très difficile l’identification du lieu précis du campement. Nous surgissons dans la propriété d’une femme très aimable, qui nous indique notre chemin. L’endroit que nous cherchions était à quelques mètres ! Notre lampe torche éclaire le panneau avec le nom du lieu-dit. Victoire ! Une fois sur place, nous trouvons un endroit où nous garer, entre des cactus et un hangar.

Ni une, ni deux, nous déplions la banquette, faisons notre lit et tirons les rideaux sur les vitres du van. Impression d’être dans un cocon. Le vent souffle si fort que le véhicule tangue. Plus loin, une tente menace de s’envoler. Ses occupants sortent en courant dans la nuit, leurs lampes torche à la main, pour se réfugier dans leurs voitures. Nous nous endormons rapidement, pour être réveillés en plein milieu de la nuit par des hurlements. Des coyotes. Enfin plutôt, je suis réveillée, puisqu’Antoine dort à poings fermés malgré ces aboiements et ces jappements à quelques mètres de nous. Typique. Quand nous étions au Brésil, chez sa cousine Caroline qui vivait dans une maison en plein cœur de la jungle, fenêtres et portes ouvertes sur la nature, j’étais restée de longues heures les yeux grands ouverts dans le lit tandis qu’il avait sombré dans le sommeil en quelques secondes. Et ce malgré les sauterelles géantes mortes dans notre lit – si ces sauterelles s’étaient retrouvées ici, alors qui sait quels autres insectes auraient pu y venir à leur tour ? Bref, tandis que le van est ballotté par les bourrasques, j’essaye de fouiller dans ma mémoire pour trouver des informations sur les coyotes (sont-ils agressifs ? Que cherchent-ils ? Pourquoi hurlent-ils ainsi ?) pendant qu’Antoine dort paisiblement.

 

Le lendemain matin, le vent est enfin retombé. Nous ouvrons les rideaux, et découvrons le site à la lumière du jour : des toilettes sèches, une douche en plein air avec vue sur le désert, un évier pour faire la vaisselle. Nous nous lavons en riant, les pieds nus sur les rochers chauffés par le soleil. Il est ensuite temps de prendre la route pour Joshua Tree. Nous voulons prendre le petit déjeuner dans ce parc national réputé pour sa beauté – si vous aimez U2, vous reconnaîtrez la référence. On y trouve un arbre unique en son genre : l’arbre de Josué, qui ne pousse que dans cette région. Nous garons notre van sur une air de pique nique, sortons notre pain et notre jus d’orange, et nous asseyons sur un banc en bois. La lumière dorée du soleil levant se marie à merveille avec les étendues sablonneuses. À mesure que l’astre se hisse dans le ciel, les ombres tarabiscotées des arbres s’étirent sur le sable. Tant de beauté me fait monter les larmes aux yeux. Après avoir mangé, nous prenons le temps de nous promener dans les environs, appréciant les rayons du soleil sur nos visages. Le beau temps nous avait manqué, sans aucun doute. La parenthèse est plus solide que jamais, nous sommes dans un autre monde, à une autre époque, loin de tout. Cela fait un moment que le temps est devenu plus flou, moins délimité, entre les déplacements et les décalages horaires. Mais pour la première fois depuis le début du voyage, nous sommes incapables de dire quel jour nous sommes.

 

Et c’est exactement ce que nous cherchions.

 

3 commentaires

  • Emily dit :

    Ouah, je suis heureuse de voir que votre parenthèse se poursuit bien, et prend un autre tournant, plus sauvage. Vivant moi même des aventures, j’avais pris du retard dans la lecture, et je suis bien heureuse de m’accorder ce temps.
    C’est un plaisir de voir ce nouveau mode de vie, atypique, et que peu de personnes osent tester. Je suis curieuse des aventures qui vont vous arriver, et de votre ressenti. Je vais donc aller lire ça rapidement.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *