Ni une, ni deux, nous déplions la banquette, faisons notre lit et tirons les rideaux sur les vitres du van. Impression d’être dans un cocon. Le vent souffle si fort que le véhicule tangue. Plus loin, une tente menace de s’envoler. Ses occupants sortent en courant dans la nuit, leurs lampes torche à la main, pour se réfugier dans leurs voitures. Nous nous endormons rapidement, pour être réveillés en plein milieu de la nuit par des hurlements. Des coyotes. Enfin plutôt, je suis réveillée, puisqu’Antoine dort à poings fermés malgré ces aboiements et ces jappements à quelques mètres de nous. Typique. Quand nous étions au Brésil, chez sa cousine Caroline qui vivait dans une maison en plein cœur de la jungle, fenêtres et portes ouvertes sur la nature, j’étais restée de longues heures les yeux grands ouverts dans le lit tandis qu’il avait sombré dans le sommeil en quelques secondes. Et ce malgré les sauterelles géantes mortes dans notre lit – si ces sauterelles s’étaient retrouvées ici, alors qui sait quels autres insectes auraient pu y venir à leur tour ? Bref, tandis que le van est ballotté par les bourrasques, j’essaye de fouiller dans ma mémoire pour trouver des informations sur les coyotes (sont-ils agressifs ? Que cherchent-ils ? Pourquoi hurlent-ils ainsi ?) pendant qu’Antoine dort paisiblement.
Le lendemain matin, le vent est enfin retombé. Nous ouvrons les rideaux, et découvrons le site à la lumière du jour : des toilettes sèches, une douche en plein air avec vue sur le désert, un évier pour faire la vaisselle. Nous nous lavons en riant, les pieds nus sur les rochers chauffés par le soleil. Il est ensuite temps de prendre la route pour Joshua Tree. Nous voulons prendre le petit déjeuner dans ce parc national réputé pour sa beauté – si vous aimez U2, vous reconnaîtrez la référence. On y trouve un arbre unique en son genre : l’arbre de Josué, qui ne pousse que dans cette région. Nous garons notre van sur une air de pique nique, sortons notre pain et notre jus d’orange, et nous asseyons sur un banc en bois. La lumière dorée du soleil levant se marie à merveille avec les étendues sablonneuses. À mesure que l’astre se hisse dans le ciel, les ombres tarabiscotées des arbres s’étirent sur le sable. Tant de beauté me fait monter les larmes aux yeux. Après avoir mangé, nous prenons le temps de nous promener dans les environs, appréciant les rayons du soleil sur nos visages. Le beau temps nous avait manqué, sans aucun doute. La parenthèse est plus solide que jamais, nous sommes dans un autre monde, à une autre époque, loin de tout. Cela fait un moment que le temps est devenu plus flou, moins délimité, entre les déplacements et les décalages horaires. Mais pour la première fois depuis le début du voyage, nous sommes incapables de dire quel jour nous sommes.
Et c’est exactement ce que nous cherchions.
3 commentaires
Ouah, je suis heureuse de voir que votre parenthèse se poursuit bien, et prend un autre tournant, plus sauvage. Vivant moi même des aventures, j’avais pris du retard dans la lecture, et je suis bien heureuse de m’accorder ce temps.
C’est un plaisir de voir ce nouveau mode de vie, atypique, et que peu de personnes osent tester. Je suis curieuse des aventures qui vont vous arriver, et de votre ressenti. Je vais donc aller lire ça rapidement.
Merci Emily 🙂
Merci Emilie, quelle fidèle lectrice, ça fait chaud au cœur !