Amir et Charlotte vont bientôt partir, mais ils ont l’expérience : ils nous transmettent ce qu’ils ont appris. Sur quelle étagère se range telle sauce. Comme fonctionne la machine à laver aux inscriptions mystérieuses. Où se trouve la source d’eau de la montagne. Autour de tasses de thé vert, nous parlons de ce que nous sommes venus chercher ici, de nos voyages et de nos vies. Amir nous narre son quotidien en Israël, son service militaire qui a duré 3 ans, et les souvenirs solaires d’un voyage en Espagne du sud. Charlotte nous raconte son exploration de Tokyo et comment elle utilise la méditation dans son travail, où elle anime des ateliers d’éveil au changement. Les conversations reviennent sans cesse sur Jiho, moine si intriguant.
— Hier, murmure Amir sur le ton de la confidence, il s’est tout apprêté, il a mis du parfum, et il a disparu.
— Il avait sûrement un date, dit Charlotte.
— On a attendu, comme des espions, pour en savoir plus, mais rien !
— Les moines peuvent avoir des… dates ? demandé-je.
— Quand ils sont hors du temple, oui, dit Amir. D’ailleurs, Jiho a une fille.
— Ah oui ?
— Oui. Mais il ne parle jamais de la maman. Donc, on ne sait pas trop. Il y a Pierre, aussi, qui est son assistant. Il est absent en ce moment – une histoire d’huiles essentielles à Singapour – mais c’est lui qui gère le site Internet, les réservations, qui répond aux questions…
— On essaye de connaître son âge, chuchote Charlotte, impossible de savoir… mais on a UN INDICE ! Hier, il nous a amené avec lui dans une cérémonie très fermée, avec d’autres moines. Ils étaient supposés s’asseoir du plus âgé au plus jeune, et Jiho était le troisième des plus vieux.
— Il a au moins 75 ans, renchérit Amir.
— Ou 80.
On dirait un vieux couple qui aime se donner en spectacle. Antoine et moi buvons leurs paroles au même rythme que le thé. Au fur et à mesure de ces discussions se dessine le portrait de cet homme insaisissable. Cette cuisine devient familière et accueillante. Nous comprenons que cette retraite n’est pas tout à fait comme les autres.
Lorsque Jiho revient d’on ne sait où, il plaque sur la table une feuille, sans un mot. C’est ce qui s’apparente à un programme.
5h Lever
5h30 Service du matin, chants
6h Méditation zazen
7h30 Pas de petit déjeuner. Se laver et se reposer.
8h30 Samu (Tâches décidées le jour même)
11h Temps libre, promenades
12h Saiza (déjeuner)
12h30 Repos
13h30 Samu (Tâches décidées le jour même)
15h Temps libre
17h Yakuseki (Dîner)
20h30h Fin du service et chants
21h Extinction des feux
Il y a quatre ans, Antoine a entrepris une retraite au Népal d’un tout autre genre. Le programme était bien plus strict : lever aux aurores, dix heures de méditation par jour et travail continu pour le temple. Le samu est un concept très intéressant : c’est un temps que l’on donne pour effectuer les tâches de la vie quotidienne, cela peut être la cuisine, le ménager, le jardinage… en fonction des besoins. Je commence à mieux saisir ce que nous allons faire aux côtés de Jiho. Il y a un cadre mais de nombreux espaces de liberté. Rien n’est contraint : chacun fait ce qu’il veut. Mais pour qui souhaite vraiment s’intégrer à sa vie, et vivre à sa façon, alors voici la proposition. Nous ne sommes pas ici pour apprendre d’une façon classique, avec des cours et des théories. Sa manière de transmettre est de faire et de laisser qui le souhaite en tirer des enseignements. C’est un apprentissage par l’observation, la reproduction mais surtout… l’immersion. Charlotte et Amir sont constamment dans les pas du moine, jusqu’à ce que celui-ci disparaisse soudain pour revenir un peu plus tard.
6 commentaires
Bonjour à vous 2. Je suis votre parenthèse depuis le début mais je n’ai jamais pris le temps de laisser un commentaire. Votre voyage donne tellement envie d’entreprendre le même genre de voyage. Vous allez hors des circuits touristiques et des villes les plus connues et c’est ça que j’apprécie, on découvre des merveilles grâce à vous. Samantha, en attendant la sortie de ton prochain roman, j’ai l’impression de lire un roman grâce à la construction des articles qui diffère d’un journal de bord classique. Il y a des descriptions, des dialogues, des réflexions, et les personnages (vous) évoluent au fil des semaines. Et mention spéciale pour les superbes photos d’Antoine. Profitez bien de la fin de votre jolie parenthèse.
Ooooh merci Océane ! Ça fait si plaisir 🙂
Quelle merveilleuse lecture. Café du matin ici en Belgique mais envie de se téléporter dans votre cuisine. Vos chemins de traverse vont me manquer …
Merci Sylvie ! 🙂
Quelle expérience cela dû être. Petite question, ce n’était pas trop difficile de ne pas avoir de petit-déjeuner? Il me semble ne pas y avoir beaucoup de repas dans le programme.
Eh bien pas du tout, étrangement ^^ Il y a plus d’explications dans les articles suivantes !