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Samantha et Antoine

13 octobre 2019

4 commentaires

Un van ensablé

Quitter Monument Valley est un déchirement. Nous aurions pu rester encore des jours coupés de tout. De simples spectateurs du monde, les mains posées sur la terre ocre chauffée par le soleil. Mais il nous faut s’arracher au silence pour reprendre la route. Le désert va bientôt faire place à l’eau ! Notre prochaine étape est le Lake Powell, un lac artificiel situé à cheval entre l’Arizona et l’Utah. Nous retrouvons la ligne grise de la route, qui semble s’étendre à l’infini au milieu des plaines arides. Une halte dans un supermarché nous permet de faire de nouveau le plein de nourriture et d’eau. Au cas où, il y a toujours des bidons plein dans le van. Après trois heures, nous voyons surgir une surface bleue à l’horizon, joyau brillant dans un écrin jaune. Nous y sommes.

Bloqués

Le lac se rapproche : nous pouvons désormais discerner le lieu où nous dormirons ce soir. Au loin, l’eau est déjà cernée de camping-cars et de tentes. Notre van s’avance sur un sentier sablonneux, qui se fractionne en plusieurs embranchements descendant jusqu’à la plage. Hésitation. Lequel prendre ? Nous optons pour celui du milieu, qui semble le plus praticable. Après seulement une centaine de mètres, notre véhicule s’immobilise brusquement. Antoine appuie sur l’accélérateur : les roues tournent dans le vide et projettent du sable. Portières qui claquent, nous descendons constater l’étendue des dégâts : le van est ensablé. Ni une, ni deux, nous nous agenouillons pour creuser dans le sable, et tenter de mettre au jour les roues arrières. Nouvel essai. Rien ne bouge. L’inquiétude se fait sentir : nous sommes loin d’être dans une zone isolée, heureusement, mais il est évident que nous n’y arriverons pas seuls. Antoine reste optimiste et déterminé : « On va forcément trouver une solution. » Pour ma part, je commence à me demander s’il ne faudra pas que nous soyons tractés. C’est alors qu’un 4X4 s’arrête soudain à notre hauteur. Deux américains bodybuildés en débardeurs en sortent : « Do you need help ? » « YES ! ». Nous sommes si reconnaissants. L’un d’entre examine le van tandis que l’autre sort du coffre une gigantesque pelle – il n’y a pas à dire, certains sont équipés en toutes circonstances. Nos sauveurs tentent tout : creuser autour des roues, mettre des plots pour les surélever, prendre le volant à leur tour, rien n’y fait. Notre maison roulante est bloquée. Ils doivent faire des courses, et nous disent de continuer à creuser, qu’ils reviendront d’ici 1h, en espérant que nous ne serons plus là. Soupir de désespoir. Antoine et moi nous asseyons sur le chemin, en réfléchissant à quelle solution pragmatique pourrait tirer notre van de là.

Solutions

Deux silhouettes apparaissent sur la butte, et une langue familière sonne à nos oreilles. Un couple de Français marche dans notre direction. Manifestement, voyant une plaque d’immatriculation californienne, ils ne soupçonnent pas que nous les comprenions : « Oh NON ! s’exclame la femme. Regarde, ils ont un problème… moi je veux pas les aider hein, dépêche-toi, on accélère… pas envie de me faire mal au dos en poussant un truc là, qu’ils se démerdent… ». Je me relève donc, et avec un grand sourire, parle bien fort à Antoine en français. Le couple court presque jusqu’au lac, gêné. Vive la solidarité ! Après une inspection minutieuse sous le véhicule, nous constatons que le sable n’est pas le seul problème : les grains dissimulent aussi une énorme roche. Voyant des jambes sous un van jaune, un groupe de Canadiens s’arrête. Eux aussi essayent de nous aider : nouvelle méthode, nous vidons le van pour le rendre plus léger. Fou-rires et discussions, de nouvelles personnes nous rejoignent, une famille d’Espagnols en vacances. Au final, à dix, nous parvenons à soulever le van. Un coup d’accélérateur, et le voilà qui dévale la pente, les portes arrières grandes ouvertes. Cris de joie unanimes. Sauvés grâce à tous ces vacanciers venus donner un coup de main !

Nouvelle règle d'or

Désormais, nous avons une nouvelle règle d’or : PLUS JAMAIS DE SENTIER SABLONNEUX. Le crépuscule est déjà là lorsque nous nous installons au bord de l’eau. Antoine allume un feu de camp : ce soir, ce sera fajitas maison. Exténués et plein de sables, nous nous laissons tomber dans nos chaises et ouvrons des bières pour trinquer au sauvetage improbable. Malgré l’heure tardive, nous tentons une courte baignade dans l’eau froide. Nous entendons alors de nouveau une langue familière : un groupe de Français se promène en commentant le gigantisme des campings-cars américains. Nous commençons à discuter, et de fil en aiguille, cela nous conduit à un apéritif festif à quelques mètres du lac. Ces quatre amis d’enfance aux vies désormais totalement différentes ont décidé de s’offrir un roadtrip aux Etats-Unis pour se retrouver. Nous parlons alors de tout et de rien, échangeons sur nos expériences, dans la joie et la bonne humeur. Une excellente soirée sous le signe de la convivialité.

À voir ?

Le lendemain matin, nous plions bagages aux aurores. Le van s’élance en esquivant tout amas de sable semblant suspect. À une demi-heure seulement se trouve Antelope Canyon, l’une des gorges les plus célèbres des Etats-Unis. Vous avez forcément déjà vu des photos de cet endroit ! L’aura autour de cette faille hors norme nous pousse à la voir de nos propres yeux. Antoine en particulier est très enthousiaste : il aimerait pouvoir saisir de nouvelles lumières. Première surprise : le prix. 60 dollars pour la visite ! À un tarif aussi prohibitif, nous espérons pouvoir découvrir ce sinueux canyon dans de bonnes conditions. Espoir déçu alors qu’à 7h du matin, nous voyons déjà s’agglutiner des grappes de gens, appareils photos au poing. Des rangées de jeeps patientent près du guichet, donnant la sensation que des escadrons de touristes vont venir par centaines au même endroit. Hélas, ce n’est pas qu’une impression. Les véhicules partent les uns après les autres pour conduire les groupes jusqu’à l’entrée de l’étroit canyon. Une file continue se forme pour se couler entre les parois striées. Evidemment, la gorge en elle-même est sublime, offrant un couloir sculpté par l’érosion dans une palette d’orange, d’ocre et de violine. Le problème majeur est la circonstance de la visite. Ce lieu est devenu une attraction touristique que l’on traverse à un rythme effréné, les uns derrière les autres, dans le brouhaha. Les guides lancent des injonctions très strictes, contrôlent les photos qui sont prises. De temps en temps, un espace de respiration est laissé entre deux groupes : il en ressort des clichés très en décalage avec la réelle atmosphère. Impossible d’avoir une petite seconde de contemplation, nous sommes pris dans une rivière humaine qui nous recrache à la sortie d’un endroit pourtant magnifique, mais dont nous n’aurons pas pu sentir pleinement la magie. Se pose aussi la question de la préservation d’un tel trésor de la nature quand on connaît le flux permanent de touristes qui s’y rendent. Pour la première fois depuis le début du voyage, nous sortons d’une visite mi-figue mi raisin.

 

Nous trouvons une aire de pique-nique en plein désert pour déjeuner. Il y a une magie qui demeure, d’une grande simplicité. S’asseoir dans un endroit calme et silencieux. Admirer les jeux de lumière sur le sable. Lire un bon livre. Ecouter le bruissement des animaux dans les buissons desséchés. Être tous les deux.

4 commentaires

  • Valpat dit :

    Ouhaaa le bol ! Profitez bien des bises valpat

  • Emily dit :

    On dit que les mésaventures font de beaux souvenirs, et puis que serait un voyage sans de telles anecdotes? Les imprévus, heureusement que là encore la solidarité a permis de voir une fin heureuse. Dommage pour la visite. Les lieux connus attirent souvent foule, ce qui enlève une partie de la magie. Avec bien sûr la question de gérer l’affluence pour préserver le lieu. Une problématique bien compliquée.

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