Antoine consulte sa montre : nous avons parcouru 70km depuis notre arrivée à New York ! Pour terminer le séjour en beauté, nous avions réservé nos places pour la comédie musicale du Roi Lion à Broadway, sans trop savoir à quoi nous attendre. Les critiques sont élogieuses, mais est-ce que cela sera à la hauteur ? Nous nous précipitons dans nos sièges, impatients de redécouvrir cette histoire de notre enfance. Aucun doute, nous sommes la génération Disney. Les Etats-Unis sont venus irriguer nos récits collectifs et intimes dès la plus tendre enfance. Je me souviens très bien de la première fois que j’ai vu le Roi Lion : c’était au dernier étage de la maison de famille du côté Bailly, sous les charpentes. La cassette nous avait été offerte à Noël. Nous étions entre cousins et cousines, serrés les uns contre les autres devant la petite télévision, les yeux rivés sur le soleil levant qui montait dans le ciel en même temps que rugissaient les premières notes du Cycle de la vie. Antoine, lui, avait six ans, il l’a vu au cinéma, au Grand Rex, et se remémore un après-midi ensoleillé au milieu des décors de savanes qui avaient été montés pour l’occasion de la sortie. D’un coup, la salle est plongée dans le noir. Les spectateurs se hâtent de ranger leurs téléphones portables. Un chant puissant monte depuis la scène. Surgissent les comédiens, sublimes dans leurs costumes de léopards, d’oiseaux, d’éléphants, de girafes… un tel degré de poésie est à couper le souffle. Avoir su allier de telles performances d’acteurs avec la création d’un imaginaire si puissant confine au génie. La collision entre la nostalgie de l’enfance – tout le monde connaît les chansons par cœur – et une mise en scène aussi originale et aboutie nous terrasse d’émotions. Je ne compte pas le nombre de fois où j’ai essuyé des larmes. Ce spectacle n’est que beauté, cette beauté qui vous touche au plus profond de vous. Même en connaissant déjà la plupart des dialogues, la trame de l’histoire, l’attention est constante, parce que chaque parti pris d’interprétation est surprenant et bluffant. Ce que les êtres humains ont en commun, dans toutes les sociétés, c’est leur besoin d’histoires. Ces dernières nous façonnent bien plus que nous ne le soupçonnons. Je me souviens très bien, enfant, à quel point je trouvais à la fois rassurant et réaliste la vision qu’offre Le Roi Lion de la vie comme de la mort : un cycle. Relation parent-enfant, pouvoir, jalousie, fuite, arrogance, philosophie, rôle à jouer, absence, présence, tout y est.
C’est sur cette dernière note que s’achèvent nos quatre jours à New York.