C’est reparti pour le bateau. L’île voisine est Takamijima, un dôme de verdure dans l’archipel. À peine met-on pied à terre que l’on sent une toute autre ambiance, celle d’un village abandonné, dans lequel la nature a déjà commencé à reprendre ses droits. Il faut grimper de hautes marches pour circuler au milieu des terrasses en escalier. Le mont Ryuo nous domine de toute sa hauteur, recouvert d’une dense végétation. Ce qui frappe sans doute le plus, c’est que de nombreuses personnes ont vécu ici, comme en témoignent les importantes infrastructures. On subvenait à ses besoins grâce à la pêche, mais surtout la culture de la pyrèthre de Dalmatie, une fleur qui est un insecticide naturel. Ces temps semblent révolus. De fait, il ne reste plus qu’une vingtaine d’habitants sur une île qui en comptait plus d’un millier. Désormais, les chats errants semblent avoir fait de ce lieu leur maison. On en croise bien plus souvent que des êtres humains. La plupart sont en très mauvaise santé : coryza, gale des oreilles et blessures. Un crève cœur. Trouvaille réjouissante : un petit restaurant Italien improvisé dans les hauteurs, tenu par un groupe de bénévoles de la Triennale. Terrance of inland see. Deux femmes travaillant pour le festival viennent discuter avec nous – réjouissance de voir des touristes s’intéresser à l’île ! Nous voilà gâtés de chocolats tandis qu’elles tentent d’exercer leur français. Détail important, dès qu’on nous demande d’où nous venons, et que nous répondons « France », vous pouvez être sûrs que les regards s’illuminent et que la phrase suivante sera : « WOOOOOW FRANCE ! OOOOH ! BEAUTIFUUUUUL ». Mais tandis que nous avalons nos spaghettis au pesto, un bourdonnement attire mon attention. J’ai cru voir passer un frelon. Chose à savoir : je suis le genre de personne qui tape sur Google « animaux dangereux » quand elle arrive dans un pays. Cela peut prêter à sourire, mais c’est un réflexe pour mieux cerner mon environnement. De ce fait, je connais l’existence de la Vespa mandarinia japonica. Et devinez quoi ? Antoine est allergique aux frelons. Une piqûre serait donc mortelle – évidemment, il n’a pas d’adrénaline avec lui. On ne plaisante pas avec l’espèce japonaise, extrêmement dangereuse. Agressif, le frelon géant provoque dans le pays entre 30 et 50 décès par an. La toxicité de son venin est bien plus élevée que ce que l’on connaît en France.
— Antoine… je crois que j’ai vu un frelon géant.
— Hein ? Mais non…
— Mais si. Je te jure.
— Tu n’as pas confondu avec autre chose ?
— Franchement, non. Je sais les reconnaître. Ne restons pas trop longtemps.
Il y a dans les couples des dynamiques de comportements, selon à la fois nos tempéraments et nos expériences. Prudence ou prise de risque. Anticipation ou vivre dans l’instant. Décider de faire le chemin à deux dans la vie, c’est souvent frotter ces zones de divergence. Mais voyager ensemble peut être très surprenant dans la façon dont nos tendances naturelles vont s’exacerber ou, au contraire, diminuer. Il y a peu de temps encore, Antoine aurait balayé l’intuition d’un revers de main.
— OK. J’espère qu’il n’y en a pas. Et… j’aurais dû prendre de l’adrénaline avec moi.
Petite inquiétude, mais nous poursuivons notre promenade.
2 commentaires
J’ai stressé pour Antoine avec les frelons ! brrr je n’aimerais pas en croiser !
Comment faites vous pour en apprendre autant sur la ville / comprendre les panneaux ?
vous parlez Japonais ? j’avais entendu dire que les Japonais n’aiment pas trop les étrangers / qu’ils ne parlent pas bien anglais. Mais comme je n’y suis jamais je ne sais pas vraiment, les gens que vous croisez ont l’air très agréable et accueillant !
Alors nous ne parlons oralement que quelques formules de politesse ! Mais beaucoup de panneaux sont traduits en anglais, et parfois quelques symboles suffisent à comprendre quand ce n’est pas le cas. Les Japonais que nous croisons essayent toujours de nous aider, certains viennent spontanément nous voir quand nous sommes perdus 🙂