Durant notre déambulation, nous croisons d’énormes araignées, des mantes religieuses et des chats errants. Un panneau signale la présence de sangliers. Il faut être prudent pour qui veut s’aventurer dans les hauteurs de la forêt. Après un excellent déjeuner au Bistro Iori, nous courons pour attraper le prochain bateau. Direction l’une des îles voisines, Teshima. Plus grande et peuplée qu’Ogijima, son ambiance est moins bucolique. Abritant un prestigieux musée d’art moderne, l’île a connu une période faste grâce à ses ressources de minéraux et de riz. Elle est aussi tristement célèbre pour avoir été le théâtre d’une grave affaire sanitaire : les rejets illégaux de déchets industriels. Ce scandale a été la source d’un important sursaut politique au Japon sur les questions d’écologie et de respect de l’environnement. Sur le port, une dizaine de chats errants nous observent depuis leur muret. Je m’en approche : yeux humides, oreilles pleines de croûtes, blessures en tous genres… les pauvres félins n’ont pas les soins nécessaires. Ils sont visiblement livrés à eux-mêmes et non stérilisés, et les personnes comme nous venus pour le festival leur donnent des croquettes sur un bout de trottoir.
Notre première impression de Teshima s’estompe lorsque nous enfourchons des vélos électriques loués pour la journée. Dès que l’on s’éloigne du port, montées et descentes se succèdent au cœur de la forêt, en offrant régulièrement des vues imprenables sur la mer en contrebas. Notre carte à la main, nous marquons un arrêt dès qu’une œuvre attire notre attention. Nous expérimentons ainsi la maison des orages, une maison abandonnée transformée en expérience sensorielle. À l’intérieur, il fait noir, la pluie crépite sur le toit et l’eau ruisselle le long des carreaux. De temps à autre, un coup de tonnerre fait trembler les murs. Même en sachant que tout cela est faux, les personnes à l’intérieur se resserrent vers le centre ou sursautent. Instinct primaire. Dans la montagne, après des pentes abruptes qui demandent de pousser le vélo dans ses retranchements, on trouve la forêt des murmures. Des carillons suspendus à des branches, auxquels sont accrochés les noms d’êtres chers des visiteurs de la précédente édition du festival. Quelques coups de pédales plus tard, au bout d’une plage de sable, se trouvent les Archives du cœur, une installation permettant d’écouter des enregistrements du rythme cardiaque de milliers d’inconnus. À plein volume, dans une salle sombre, on dirait… un tambour.
2 commentaires
Merci beaucoup pour ce très bel article (et pour la mention, mais surtout pour l’article). À travers vos lignes on ressent vraiment que vous avez compris la Triennale de Setouchi. Merci encore.
Merci à vous David !