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De lac en lac

Samantha et Antoine

09 septembre 2019

12 commentaires

De lac en lac

Une route noire et lisse serpente dans la forêt. Nous approchons de notre troisième étape : la Seigneurie du Triton. Un incroyable domaine composé d’une constellation de lacs et de rivières, où nous attend un chalet. Et ce chalet, il se mérite ! L’atteindre va être une froide et longue aventure. Montées, descentes, la route forme d’improbables montagnes russes. La prudence est de mise. Déjà, l’air se refroidit, et des nappes de brouillard forment un écran blanc sur lequel se réverbère la lumière des phares. Encore 36km, indique un panneau. Ici, il n’y a aucun réseau. Nous avons seulement un GPS, mais impossible d’entrer l’adresse précise. Cette arrivée de nuit n’était pas prévue, mais c’était sans compter sur le bug dudit GPS qui nous aura fait faire un très long détour. À ce stade, nous ne savons plus trop si la technologie est notre alliée ou notre ennemie. Une chose est certaine : nous nous en éloignons.

Le bout du monde

Nous arrivons enfin au lac Edouard, qui forme un village noir et silencieux. Aucune fenêtre éclairée, aucun commerce ouvert, on se croirait au bout du monde. Nous épions le moindre panneau. En voilà un de nouveau : plus que 10km. La voiture s’engage dans un chemin de terre battue tortueux, qui longe des étendues d’eau. Chaque kilomètre prend une éternité, au rythme des cahotements de la voiture. Réconfort, la lune ce soir est sublime : un croissant orangé qui apparaît à intervalle régulier entre les frondaisons des arbres.

 

Enfin, l’embarcadère ! La particularité de la Seigneurie du Triton ? Votre moyen de locomotion n’est autre… que le bateau. Les chalets sont situés aux quatre coins des lacs, et vous n’y accédez que par la voie des eaux. Les locataires des lieux sont maîtres à bord : totale autonomie. On nous explique comment fonctionne notre propre bateau à moteur, qui va nous permettre de naviguer où bon nous semble dans le domaine. L’auberge principale, où il est possible de prendre un verre et d’avoir des explications sur les activités, se trouve sur une île, à 10min en bateau. Dès la tombée de la nuit, on déconseille de tenter d’y accéder, il fait trop sombre.

Autonomie

Le chalet est magnifique. Bien trop grand pour deux, mais en raison de son inoccupation, les propriétaires nous ont surclassé. Quelques bûches pour ranimer le poêle, et la chaleur enveloppe le lit rebondi et les canapés moelleux. L’électricité est générée par un panneau solaire, il y a simplement de quoi faire fonctionner des lampes aux timides lueurs. Pour le reste, nous retrouvons l’eau courante, mais aucune prise électrique. Les ordinateurs devront attendre avant de revenir à la vie. Heureusement, il y a les carnets !

 

Ce somptueux domaine était autrefois très prisé pour la chasse et la pêche. C’est encore le cas aujourd’hui, mais son développement touristique semble se tourner de plus en plus vers les activités en pleine air. Il y a de quoi faire, entre les kayaks, les randonnées, le tir à l’arc…

 

Antoine apprend rapidement à se servir du bateau à moteur, et nous voici en route pour explorer les alentours. C’est dépaysant, ce mode de déplacement, et en même temps un peu désarçonnant. Il faut s’habituer à fendre les vagues pour aller d’un point A à un point B. Sur l’un des rivages, l’équipe de la Seigneurie du Triton sert un déjeuner aux habitants des chalets (dîner, en québécois !). Après une délicieuse soupe de légumes, nous repartons faire un tour, à l’affut des animaux que nous pourrions observer. Les forêts ici sont peuplées d’ours, de caribous mais aussi… de castors ! On guette leurs barrages, mais aucun occupant dans les alentours. Consolation : quelques écureuils, bien évidemment, croisent notre chemin.

De lac en lac

Bredouilles, nous retournons au chalet pour nous mettre au chaud. Quoi de mieux que la douce chaleur d’un poêle après une journée en bateau, les visages fouettés par la pluie et le vent ? Nous avons fait quelques courses les jours précédents pour être certains de ne manquer de rien. Ce soir, ce sera pita aux légumes.

 

Nous savourons ce repas et la vue imprenable sur ces étendues sauvages et préservées. C’est l’heure du coucher du soleil. Le ponton un peu tordu devant le chalet offre le panorama parfait. Nous nous asseyons au bout, côte à côte, pour apprécier le silence, quand soudain…

Nos amis les castors

… Deux gros « ploufs » depuis l’autre côté de la berge. Un couple de castors se dirige vers nous en nageant. Notre présence ne semble absolument pas les déranger. À la tombée du jour, c’est l’heure pour eux de s’activer : le bois n’attend pas. Et nous l’apercevons soudain, un peu plus loin à droite, leur « hutte », comme on dit au Québec. Et le mot est très bien choisi, puisqu’on dirait une véritable maison flottante. Nous passons ainsi deux heures à regarder leur ballet : les castors nagent de la rive à leur hutte, attrapent un morceau de bois qu’ils rongent de leurs longues dents, puis plongent en faisant claquer leurs queues, nous aspergeant d’eau au passage. Des voisins bruyants, mais très sympathiques. Cette cohabitation muette nous réjouit à un point ! Nous pourrions passer des journées entières à observer les animaux, les voir interagir, essayer de décrypter leur langage. Cette hutte près de nous vient nous rappeler combien nous sommes proches. Il est question de se construire une maison, oui.

 

Lorsque nous remontons au chalet, notre passage provoque une série de bruissements dans les arbres. Reste un grand lièvre, près de la réserve de bois, qui mange paisiblement. Pas de doute, nous sommes chez les animaux, c’est leur territoire, et nous ne sommes que d’éphémères invités silencieux. Prise d’un réflexe ancien – les petits lapins de la ferme – je tends la main vers le lièvre. Surprise : plutôt que de détaler, il s’avance vers moi, vient me sentir, puis reprend son repas quelques pas plus loin. Notre présence semble acceptée.

Dans ce chalet, nous dormirons enfin 10h d’affilée : délicieux sommeil réparateur, dont nous manquions cruellement depuis le début du voyage. Après quelques promenades sur les sentiers, il est temps de faire de nouveau les sacs. La 4e étape nous attend, plus au nord encore.

12 commentaires

  • Phooka dit :

    Un coin de paradis où j’y suis allée 2 fois (dont une fois à dormir dans les tipis dans la forêt, une sacré expérience).
    C’est un plaisir sans cesse renouvelé que de se perdre au milieu des lacs en kayak et de revenir dormir dans la cabane en rondins, épuisé par sa journée et pas tant de beauté.

  • BEETSCHEN dit :

    Votre narration est merveilleuse, on croirait avoir vu et éprouvé ce que vous décrivez! J’espère que vous n’aurez pas trop de problèmes avec l’approche de l’automne. L’épisode du lièvre est vraiment inattendu, il semblerait qu’il n’ait jamais eu affaire à des chasseurs auparavant…
    Bonne suite à votre expédition, si votre GPS est défaillant, il faudrait avoir une carte topographique de secours?
    A bientôt le plaisir de continuer à vous lire, nous vous embrassons,
    Grand-père

    • Samantha et Antoine dit :

      Bonjour Jean-Claude,

      Merci pour votre message qui nous fait tellement plaisir ! Tout se déroule très bien, hormis ce fameux GPS que nous allons remplacer par une carte traditionnelle en effet. Pour le lièvre, peut-être que ces derniers sont habitués à voir du monde dans ce chalet ? Mais c’est en effet très étonnant ! À très bientôt,

      Antoine et Samantha

  • Fesson dit :

    Nous avons enfin un livre d’aventures ou nous connaissons les personnages,
    c’est merveilleux de vous suivre et de vous imaginer en action.
    Profitez et continuez le livre!
    Bisous
    Jacqueline et Jean-Pierre

  • Laetitia dit :

    Quelle plaisir de vivre avec vous ces découvertes merci pour la beauté du récit

  • louise dit :

    bonjour samantha et antoine! je n’ai jamais été à cet endroit, mais j’aime beaucoup le Québec, notamment Rimouski où l’on voit le fleuve très célèbre nommé le saint Laurent!
    je vous souhaite un bon voyage, les etats unis c’est magnifique,
    tres bon voyage,
    LOUISE 12ans
    p.s.: samantha bailly, j’adore vos romans surtout avec sonia comme j’écris un roman! <3

  • Laetitia dit :

    C’est rigolo, nous aussi nous avions un lièvre peu farouche devant notre chalet au bord des lacs au-dessus de Tadoussac.
    Les lièvres du Canada ont la belle vie !

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