Si pour moi la côte Ouest des Etats-Unis est une découverte de chaque instant, c’est pour Antoine un retour sur les traces de ses souvenirs d’enfance. Lorsqu’il avait treize ans, son père, sa sœur et lui ont fait un road-trip dans cette même région. Paraît-il que déjà, juché à l’avant du camping-car, à une époque sans GPS rappelons-le, Antoine était chargé de l’orientation. Je l’imagine, petit garçon, tenir fermement la carte routière. Aucun doute, les itinéraires, les trajets, les Nord et les Sud, c’était déjà son point fort. Vivre ce genre d’expériences en étant jeune est une chance incroyable pour s’ouvrir de grands horizons sur le monde. C’est pour cette raison que nous faisons escale à Hearst Castle, un somptueux domaine juché sur les hauteurs de Saint Simeon. C’est l’une des étapes de ce voyage qui l’a le plus marqué à l’époque. Les images sont confuses, mais il se remémore avoir été très impressionné par des œuvres d’art et une architecture grandiose. Il voudrait donc revoir les lieux avec ses yeux d’adulte. À peine arrivons-nous sur le parking que j’émets quelques réserves : ça m’a tout l’air d’être une nouvelle attraction à l’américaine. Nous voilà cernés de boutiques vantant la grandeur d’âme d’un homme, William Randolph Hearst. Tout y est en matière de produits dérivés : porte-clefs, magnets, peluches, assiettes, biographiques…
« Rappelle-moi, il a fait quoi ce type ?
— Il a construit cet endroit, répond Antoine. Je ne me souvenais pas que ça faisait aussi… euh… fake ?
— Maintenant qu’on y est… on va voir, c’est juste l’entrée, le château est plus haut.
— Je me souviens que c’était beau. Vraiment beau.
— Mais beau comment ? Beau Versailles carton-pâte ou beau beau ?
— Beau beau.
— Bon. Faisons confiance à Antoine 13 ans ! »
Le sens commercial du lieu est redoutable : impossible d’entrer dans le bus sans passer par la case « photo souvenir » devant, accrochez-vous… un fond vert ! Eh oui, pourquoi prendre soi-même des photos ? Pour une poignée de dollars, on vous propose de poser puis d’incruster par la suite le paysage du domaine de votre choix. Ah, comme c’est merveilleux, un souvenir si authentique… Nous voici désormais parmi un groupe de touristes comme nous, le poignet cerclé d’un code barre nous certifiant notre accès. Le bus grimpe tant bien mal la route qui serpente au milieu des collines arides, qui ne sont pas sans rappeler l’arrière-pays Méditerranéen. De temps à autre, la silhouette blanche du château apparaît entre deux virages. C’est à ce moment précis que nous voyons notre première mygale de Californie. Le véhicule roulant très lentement, nous avons le temps de voir l’énorme araignée noire qui traverse le le bitume.